C’était Maurice Chevalier

Le 8 février 1950, une silhouette bien connue du grand public foule la scène du Grand-Théâtre de Reims. L’homme affiche un sourire des plus charmeurs et arbore un canotier reconnaissable entre mille. Cet homme c’est Maurice Chevalier, venu en tant que « grande vedette internationale » chanter ses plus grands succès lors d’une soirée de gala offerte en son honneur. 

Il faut se plonger à corps perdu dans cette époque pour constater à quel point la popularité de Maurice Chevalier fut éclatante, jusqu’à conquérir le music-hall et le cinéma outre-Atlantique. « Vous êtes notre meilleur ambassadeur en Amérique » lui confia un jour le futur Président de la République Georges Pompidou.

Maurice Chevalier voit le jour dans un quartier pauvre de Ménilmontant en 1888. Il abandonne l’idée de devenir acrobate suite à une chute mais ne renonce pas à tutoyer les sommets. Travailleur acharné, ayant toujours le souci du détail jusqu’à la maniaquerie, il fait ses débuts dans des cafés malfamés de Ménilmontant avant de se produire dans des lieux plus prestigieux comme à La Ville japonaise ou encore à l’Eden-Concert d’Asnières.

En 1911, il entame une liaison avec la charmante et non moins célèbre Mistinguett : « tout me ravissait en elle » écrira-t-il plus tard dans ses Mémoires. Cette époque qui signe aussi la fin de Belle-Epoque marque l’essor du Music-hall parisien. Une envolée qui se fracasse lorsqu’éclate la Grande Guerre. Maurice Chevalier, comme tant d’autres soldats, est mobilisé. Blessé par un éclat d’obus, le voici prisonnier des Allemands. Il est libéré dès 1916.

Après une période de dépression suivie d’une rupture avec Mistinguett, il monte de nouveau sur scène dans cet après-guerre où le Tout-Paris est en recherche d’amusement et d’évasion. Son ancien camarade de régiment, le compositeur Maurice Yvain, lui propose d’être la tête d’affiche de son opérette Là-Haut en 1923. Chevalier vole de succès en succès tandis qu’il épouse Yvonne Vallée en 1927 – ils divorceront quelques années plus tard.

Bientôt, la tentation du cinéma le saisit. On lui propose de signer un contrat en or avec Hollywood. Le visage de l’Homme au Canotier s’affiche sur les écrans américains et un peu partout dans le monde. Il est considéré comme étant l’un des acteurs pionniers du cinéma parlant avec Le Chanteur de jazz (1927). Les succès cinématographiques s’enchaînent ; pour autant, il ne cesse aucunement de se produire sur scène. En France, de nouvelles têtes d’affiche ont fait leur apparition et lui font concurrence : ils s’appellent Tino Rossi, Charles Trenet ou encore Charpini.

Lors de la Drôle de guerre, Maurice Chevalier entonne auprès des soldats mobilisés « Et tout ça fait d’excellents soldats », qui, sous une apparente légèreté, est aussi une chanson aux contours antimilitaristes. Une fois l’armistice signé, il poursuit ses tours de chant durant toute la sombre période de l’Occupation. Selon l’un de ses biographes, Edward Behr, « Chevalier n’avait rien d’un politologue. Sa vision des problèmes mondiaux était […] étonnamment sommaires. »

L’artiste retrouve sa place de vedette après la libération. Dans les années 1950-60, il joue les cicérones de la nouvelle chanson française auprès d’artistes en devenir : Jacques Brel, Sacha Distel, Mireille Mathieu et même Johnny Hallyday. Il se produit une dernière fois sur scène en 1968 pour entamer sa tournée d’adieu.

Le succès étincelant, la reconnaissance internationale et l’immense fortune de Maurice Chevalier n’auront pas suffi, malgré les apparences, à en faire un homme pleinement heureux. Il tente de mettre fin à ses jours en mars 1971 et décède quelques mois plus tard à l’âge de 83 ans. Malgré une personnalité complexe, Maurice Chevalier n’en reste pas moins un immense artiste ayant bénéficié d’une popularité considérable pour l’époque. Sa vie, il l’a entièrement consacrée au public, en lui apportant une indéniable joie de vivre.