Un parfum de music-hall à l’Opéra de Reims
En 1931, le Grand-Théâtre de Reims fait peau neuve et rouvre ses portes au public après 17 ans de fermeture due aux destructions de la Grande Guerre. Fini le théâtre classique à l’italienne, l’intérieur de l’édifice arbore une décoration toute Art déco. Ainsi, l’époque qui succède aux “Années Folles” n’est pas forcément “Les Années Molles” – crise économique et sociale lancinante -, en tout cas, pas pour les guiboles ! Le public cherche plus que jamais à se divertir et les spectacles de music-hall font salle comble.
Imaginez... nous sommes en 1934 et le grand lustre de l’Opéra scintille et la scène vibre au rythme d’un spectacle de marionnettes du théâtre des Piccoli ! Cette compagnie est fondée en 1914 à Rome par Vittorio Podrecca qui en est, pendant près d’un demi-siècle, le principal directeur. C’est un spectacle qui mêle opéras et music-hall dans lequel les rôles joués par des marionnettes à fils d’un mètre de hauteur et des fantoches n’ayant que la tête et les bras, animés d’en bas par les doigts des opérateurs. L'association du chant et du jeu scénique est si parfaite qu’il crée chez les spectateurs rémois une illusion captivante.
Ray Ventura monte lui aussi sur la scène du Grand-Théâtre accompagné de son orchestre. On l'imagine, sourire malicieux, ses doigts de feu s’agitant sur les touches du piano, faisant swinguer la scène comme personne. Il faut dire que Ray, en plus d’être un virtuose du piano, est un chef d’orchestre et compositeur emblématique de l’entre-deux-guerres. À la tête de son ensemble « Ray Ventura et ses Collégiens », il popularise un jazz “à la française”, qui mêle le swing et la fantaisie. Ensemble, ils enregistrent leur premier disque en 1929, et enchaînent ensuite les concerts dans des salles prestigieuses comme Gaveau, l'Empire, Bobino et plus tard l’Olympia. Les tournées à travers toute la France se poursuivent à un rythme effréné. Ray Ventura et son orchestre font ainsi découvrir au public rémois leurs chansons devenues cultes telles que Tout va très bien, madame la Marquise ou Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?
Enfin, s’il y a une icône du music-hall des années 1930, qui a été à deux doigts de fouler de ses pieds la scène du Grand-Théâtre, c’est la fougueuse Mistinguett ! Elle était en effet annoncée pour un concert exceptionnel le 7 mai 1932 où elle devait interpréter, entourée d’autres artistes, ses plus grands titres comme Sous les ponts de Paris, Mon Homme, Transparence, le tout étant accompagné de ses danseurs et fantaisistes du moment. Hélas, la veille, le président de la République de l’époque, Paul Doumer, tombe sous les balles d’un assassin et succombe dans la nuit. Partout en France, en hommage au président défunt, la plupart des salles de spectacle de France ferment leurs portes et le Grand-Théâtre de Reims n’échappe pas à la règle. Le concert est reporté au 4 juin suivant mais Mistinguett ne peut y participer. D'autres vedettes de l’époque assurent tout de même le show : l’acteur Paul Azaïs - du film Les Croix de bois, adaptation du roman éponyme de Dorgelès sur les combats des tranchés de 1914-18 ; Dranem, chanteur fantaisiste ; Lyne de Souza, Miss France de l’époque. Et ce n’est pas tout : on y entend un orchestre symphonique et des cantatrices de renom, on se trémousse avec des danseurs et un bal de nuit, on s’y restaure lors d’un souper sur la scène !
Si Mistinguett ne s’est pas produite à Reims, tout n’est pas perdu pour autant. Vous aussi, laissez-vous gagner par l’esprit des années 30, venez les écouter ces “Fous chantants” de cette époque et venez gambiller lors du bal qui clôturera la soirée : l'Opéra vous ouvre tout grands ses portes ce samedi 08 novembre à 20h.